A l'occasion de cette séance d'analyse nous avons vu ensuite un film magnifique de François DUBIEF sur les libellules : "La vie secrète des filles de l'air". Dans ce flm : toutes les conditions sont réunies pour vivre la naissance d'une libellule jusqu'à son ascension vers l'air libre. François DUBIEF nous montre la métamorphose de la larve : accrochée à la feuille d'une plante, une fois arrivée à la bonne hauteur, on y voit une larve gonfler son thorax et réaliser une curieuse gymnastique signe d'une agitation intérieure. Soudain le bas du dos se déchire et la libellule qui éclot apparaît. 15 à 20 minutes après la métamorphose, ses yeux apparaissent eux aussi. Sa tête bascule alors en arrière pendant près d'une heure tandis que ses tissus se durcissent. La libellule donne alors un rapide coup de reins pour quitter sa dépouille larvaire. Chez les espèces plus petites, l'éclosion se déroule de la même manière.

Après bien des efforts, la libellule se retrouve enfin à l'air libre. Ses ailes vont alors se déplier grâce à un liquide qui circule à l'intérieur sous pression. Il faut encore une heure pour que les nervures durcissent et que les ailes acquièrent leur forme définitive : des ailes d'une extrême légèreté. Après l'éclosion : les dépouilles larvaires resteront accrochées à leur support avant de disparaître dès la première averse. Le soleil doit être suffisamment chaud pour que la libellule prenne son envol : elle teste tout d'abord la vibration de ses ailes. Les 1ères secondes sont souvent hésitantes : et puis elle devient la plus rapide dans les airs et la plus précise au vol. L'une des utilisations premières de cette rapidité est la défense du territoire. Les libellules en surveillent en effet parfaitement les frontières.
Leur acuité visuelle est également extrême : elle atteint la perfection grâce à des yeux d'une taille démesurée. Les mille facettes de leurs yeux leur offre d'ailleurs une vue à 360° et leur confèrent un regard d'une force étrange.
Le film montre également l'instinct prédateur des libellules sur le plan d'eau : elles y consomment moustiques et mouches. Les proies capturées sont souvent très grosses. Mais les libellules ont elles aussi leurs prédateurs : un petit retard de décollage parfois peut leur être fatal. Le film nous montre un crapaud capturer une libellule en plein envol. A l'extérieur de l'eau le danger rôde à l'identique : soudain une libellule s'accroche devant nos yeux à une toile d'araignée qui la retient prisonnière. Les pièges sont innombrables.
Certaines libellules préfèrent les eaux calmes aux ruisseaux. Les mâles au printemps ont une couleur vert métal tandis que les femelles sont moins éclatantes et apparaissent un peu plus tard. Les mâles courtisent les femelles plusieurs heures avant de pouvoir s'accoupler selon une gymnastique curieuse où ils sont amenés à retenir fermement la tête de la femelle tandis que celle-ci se met en contact avec les organes de son amant situés sous son thorax : l'accouplement dure à peine deux minutes quant à lui. Après quoi les femelles n'ont plus qu'à pondre leurs oeufs. Elles injectent les oeufs sous l'écorce d'une plante consciensieusement choisie de haut en bas le long de la tige, jusqu'à se retrouver sous l'eau pour finir. Ainsi les libellules peuvent rester plusieurs heures sous l'eau et déposer près d'une centaine d'oeufs selon cette technique.

Le temps de reproduction peut varier d'une espèce à l'autre. Chez les espèces de grande taille, les oeufs sont enfoncés à l'intérieur de plantes aquatiques. Mais pour d'autres espèces plus petites la technique est toute autre et consiste à déposer les oeufs un à un en réalisant un vol agité de soubresauts minutieux provoqués exactement là où l'oeuf doit tomber (sur l'eau ou sur certaines plantes). La ponte dure ainsi tout le printemps.
Les libellules survivent jusqu'en septembre. En octobre c'est la fin de la vie aérienne. Engourdies par le froid, elles disparaissent toutes laissant derrière elles leurs oeufs sous les eaux.
Ce film nous a tous laissés bouche bée ! Textes des commentaires, images et montage de François DUBIEF, seule la voix off a été empruntée. On a entendu dans la salle s'écrier : "Voilà certainement le meilleur film jamais vu au club !" Immédiatement nous voulons en savoir plus : François DUBIEF nous explique qu'il a utilisé des bonettes enfilées les unes derrière les autres pour pouvoir filmer d'aussi près les insectes à l'aide de son camescope un TRV900. Il lui a fallu quelqu'un pour tenir un reflecteur et il a accumulé ainsi près de 6 heures de rushes sur 2 ans. Le film atteint une durée de 19'45 (achevé l'après-midi même !)
Certains se sont laissés aller à rêver des images en haute définition sur un tel film : car le seul petit défaut qu'on peut lui admettre c'est la netteté de certains plans parfois critiquable. Ce film a nécessité des heures et des heures d'observation.
Après un moment de stupéfaction générale de la salle, nous avons pu rassembler quelques forces et soumettre enfin un semblant d'analyse critique bredouillante : tout d'abord à propos du titre "La vie secrète des filles de l'air". Cela ressemble beaucoup au titre du film de Walon Green produit en 1979. Par ailleurs les cris des oiseaux ont paru peut être un peu trop stridents à certains spectateurs notamment au regard des commentaires. L'absence presque totale de fond musical est apparu comme une marque d'élégance : si la musique était présente, elle l'était très peu et toujours au bon moment. Les bruits de la nature suffisaient à eux seuls. Certains cuts musicaux auraient pu être estompés (l'absence de fondu sonore semble avoir été identifiée par endroit). Par ailleurs, Robert TASSINARI signale un imperceptible saut d'image situé environ à la moitié du film.
François DUBIEF nous a tous surpris : 20 minutes de spectacle complet qui paraissent avoir durer à peine le quart. Ce film ira sans doute loin et François DUBIEF a marqué les esprits pour longtemps ... merci à toi François !
Pour terminer cette séance, François DUBIEF (toujours !) nous a rediffusé une version corrigée de la messe des animaux de Sainte Rita (cf. séance d'analyse de la semaine dernière pour plus de détails). Les sauts sonores perdurent hélàs dans cette deuxième version. Certes la tête du fidèle qui obstruait l'écran a bien été retirée. On regrette par ailleurs que la caméra ne s'arrête pas suffisamment sur la bénédiction des animaux en tant que tels préfèrant se concentrer sur celles des humains. Robert TASSINARI indique à François qu'il aurait fallu terminer le film par une séquence forte comme par exemple l'interprétation du "Duo des Chats". Les spectateurs ont remarqué par ailleurs que le morceau joué à l'orgue avait été cutté de façon un peu brutal au montage. Si le titrage a gagné en finesse (et en lisibilité de par une vitesse de défilement moindre), le fondu au noir qui marque la fin du film arrive encore trop vite. On a nettement préféré les libellules ... désolé François.
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