"UNE MINUTE DE SILENCE ... " de Philippe SEGAL

Une production de Philippe SEGAL : "Une minute de silence ... ", film-minute sélectionné au concours national FFCV de 1996.

Malgré l'image délavée d'une bande VHS vieillissante, malgré un montage et des effets de titrage plutôt rustiques, une atmosphère très prenante se dégage de ce film-minute. La musique d'origine yiddish : "Rozhinkalekh mit mandlen", nous envoûte littéralement. Tandis que défilent et fuient devant nous des mots symboles d'une liberté qui ne sera sans doute jamais captive, sans fioritures, nous découvrons les images du camp de la mort telles que n'importe-qui pourrait les découvrir sur place. La force du lieu en demeure intacte. Le résultat est efficace. Sans technique éprouvée cette séquence renferme une force authentique. Rester fidèle au sujet sans le dénaturer, le découvrir à l'état brut. C'est une réussite audiovisuelle incontestable.

Philippe SEGAL évoque lui-même les conditions de réalisation de son film :

"Ma grand mère ayant été déportée en 1942 à Auschwitz-Birkenau, j'avais voulu retourner sur ses traces, voir ce qu'elle avait vu, toucher ce qu'elle avait touché, respirer ce qu'elle avait respiré. J'y suis allé deux fois, à chaque fois c'était un aller retour dans la journée.
La première fois c'était à l'occasion du cinquantenaire de la libération des camps. Il y faisait moins 15 degrés, mais bien sûr pas question de se plaindre, moi j'étais couvert. Les conditions de tournage ont été plus dures pour les batteries, et il fallait éviter qu'elles gèlent. L'idée de départ était un film sur ma grand mère. Mais arrivé sur place à Birkenau, j'étais paralysé, par l'atmosphère, l'odeur, et le SILENCE, mais derrière ce silence on devinait des chuchotements, des plaintes ; j'ai donc eu du mal à sortir ma caméra.
Il a fallu y retourner une deuxième fois. Entre temps j'avais beaucoup lu sur le sujet, et l'idée était maintenant de faire un film sur le silence, et pourquoi pas de le réduire à une minute et sans commentaire.

C'est là qu'est venu par hasard la réflexion de noter tous les verbes cités dans les témoignages des survivants. Avec ma femme je décidais d'en garder (pour ne pas dire sélectionner) une vingtaine, d'ailleurs une vive polémique porta sur "RIRE" qui fut écarté de la liste à mon grand regret.
L'illustration musicale est un thème yddish. Un thème sifflé qui exprimait pour moi le vent et le souffle fragile de la vie.
Ce film, jamais ma mère ne voulut le voir.
Une dernière anecdote, sur place j'obtins les coordonnées d'un homme qui était parti dans le même convoi que ma grand mère et qui survécut (11 survivants sur les mille du convoi). En voulant me rendre chez lui, (il devait avoir dans les 85 ans) je n'osais pas traverser la rue et sonner à sa porte, pourquoi irais-je le déranger. Je rentrais chez moi.
Quand 15 jours après, plein de courage je me décidais d'y retourner, arrivé devant chez lui, des déménageurs vidaient sa maison ..."

Philippe SEGAL

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